Tribune Senlis Ensemble : #373 Septembre / Octobre / Novembre 2025

L’hôpital de Senlis a 1000 ans, de la Maladrerie Saint-Lazare au GHPSO, et la suite ?
Les mots hôpital, hospice sont dérivés du mot hospitalité qui vient du latin hospitalis, hospes. D’abord droit sacré dans l’antiquité; au Moyen-Age, l’hospitalité consiste à offrir un refuge à quelqu’un qui en a besoin: c’est un devoir de charité pour les religieux. La notion de soin apparaîtra bien plus tard. Robert le pieux, fils d’Hugues Capet fonde en 1025 la Maladrerie Saint-Lazare pour isoler les lépreux du reste de la population. Il n’en reste rien en 2025, par contre, la capelle du XIIème siècle persiste bien que très remaniée. Les maladreries appartiennent à des institutions religieuses (à Senlis, les hospitaliers de Saint-Lazare) et fonctionnent sur leurs propres ressources grâce aux dons, legs et profits des foires. La peste succédant à la lèpre, la guerre, la famine engendrent un nombre grandissant de pauvres, mendiants, enfants abandonnés et Louis XIV ordonne la construction de lieux pour les accueillir, les isoler sans aucun soin délivré : les hôpitaux généraux. Au XVIIème siècle, la maladrerie prend le nom d’hôpital général réservé aux ressortissants de la commune qui doit subvenir aux besoins de ses pauvres, « les pauvres enfermés » géré par les sœurs de la congrégation de Saint-Vincent de Paul, sous la direction d’un bureau avec l’évêque à sa tête.
A la révolution, le clergé perd la maîtrise des établissements au profit de l’état. Au XIXème siècle, l’hôtel dieu et la charité sont vendus et se regroupent à l’hôpital Saint-Lazare. L’hôpital atteint sa vocation médicale. Les mendiants sont déplacés dans d’autres structures. La maladrerie est détruite et de nouveaux bâtiments sont construits à la faveur de récentes découvertes médicales: l’asepsie, l’anesthésie, les vaccins. Un accent est mis sur le confort du malade. L’hôpital est toujours réservé aux pauvres, d’où la construction de cliniques pour ceux en capacité de payer leurs soins. Le début du XXème siècle est marqué par les deux guerres. A la suite des épreuves subies, l’hôpital s’agrandit, bénéficie des progrès de la médecine, en particulier de la radiologie et s’ouvre à tous. Le docteur Rougé et son équipe travaillent au mieux dans des conditions effroyables.
L’expansion économique de l’après-guerre des 30 glorieuses va profiter à l’hôpital qui va bénéficier d’un nouveau développement et gagner en spécialisation médicale et en humanisation. Les lois Debré pour organiser et planifier l’offre de soins sur le territoire et la visite impromptue du ministre de la santé M.Poniatowski en 1973 vont donner un nouveau coup de fouet à l’hôpital général avec en particulier l’ouverture d’un plateau technique regroupant bloc opératoire, radiologie, chirurgie et maternité. Les services de médecine spécialisée, pédiatrie et le laboratoire sont dans des bâtiments annexes. L’hôpital gagne le titre de centre hospitalier en 1978. Le financement des travaux a été assuré par l’hôpital (vente de terres), la ville, le département et l’Etat. A la fin du XXème siècle, l’hôpital est réputé attractif et offre à la population un panel complet de soins tout en gardant sa vocation d’hospitalité. 250 lits de médecine, chirurgie, obstétrique, réanimation et urgence et 165 lits pour le secteur personnes âgées. Des services novateurs pour cette époque voient le jour grâce au docteur Bocquet: les soins palliatifs et l’hospitalisation à domicile.
Le XXIème siècle est marqué très vite par un changement de paradigme: la course à la rentabilité du secteur médico-social. D’importants travaux sont réalisés en 2008 : un hall démesuré, un laboratoire immense et le regroupement dans le même bâtiment du plateau technique et des services de médecine, de pédiatrie, de chirurgie, de gynéco-obstétrique, de réanimation et les urgences. Tout semble très fonctionnel mais ces travaux, l’augmentation du nombre de personnels, le départ en retraite de médecins engendrent un déficit financier. C’est le prétexte pour fusionner en 2012, l’hôpital de Senlis et celui de Creil lui-même en déficit financier.
L’inspection générale des affaires sociales, en 2012, considérait qu’il était contreproductif de fusionner deux hôpitaux en déficit et dont les bassins de population étaient totalement différents. Chronique d’une mort annoncée soutenue par les élus locaux: les services disparaissent les uns après les autres, le recrutement médical est de plus en plus difficile, le déficit financier devient abyssal. Pourtant, autour de nous, les élus se battent avec succès pour l’établissement de santé de leur ville: la clinique des Jockeys est sauvée in-extremis de la faillit par des fonds publics, l’hôpital de Creil a perdu sa maternité mais espère bien la retrouver et l’hôpital de Clermont assure bien sa fonction, dispose de nouveaux investissements et est très attractif.
Lot de consolation : l’hôpital de Senlis dispose d’un accueil non programmé de médecine générale efficace mais d’ouverture limitée et devrait retrouver son service d’urgence à court terme avec quels moyens financiers ? Et quelle offre de service sur place ? Le secteur personnes âgées a enfin pu bénéficier de travaux d’humanisation, on ne peut que s’en réjouir. Bonne rentrée à tous !
